Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon. [Jean-Jacques Rousseau]

Tu n’as pas d’amis. Tu as le charisme d’un moule à gaufres. Tu ne sais pas quoi foutre de tes vacances. Ta vie est d’un vide sidéral et sidérant. Tu veux en finir avec ton existence parasitaire. Te pendre sous la lune. Mais sais-tu que tu es encore jeune? Que ton corps beau de loin est toujours plein de sève ? Que tu as les manches de tes vêtements sans goût qui débordent de muscles flasques ? Alors avant de partir, de débarrasser la planète de tes absences, de souffler à jamais sur l’ombre de ton ombre, va donc fouiller le ventre à l’air du canal. Rends toi utile. Deviens le héros très discret de ton ordinaire sans lumière. Arpente le chemin de halage sous ce soleil plein d’aplomb. Donne des couleurs à ce corps malingre de punaise suicidaire en flirtant dangereusement avec les orties. Et glisse doucement jusqu’au lit vide et sec de ce bassin. Tu n’y trouveras pas les draps froissés et salis par de menus mais répétitifs travaux manuels que tu connais trop bien. Mais juste de la vase craquelée par trop de morsures d’Horus. S’il reste un peu de vivacité à tes yeux ravagés par les drames lacrymaux, tu constateras que la gangue essorée est hérissée de bouteilles, constellée de déchets ignobles jetés par tes contemporains douteux. Alors là tu retrouveras un peu d’espoir et d’énergie salvatrice. Tu retireras une à une ces raclures. Tu agiras avec frénésie, presque heureux de l’agilité retrouvée de tes dix doigts morts, presque soulagé par cette nouvelle respiration…

J’ai un coup de barre. [Raymond, le chien de PlusViteQueLaMusique]

Cunégonde s’était quand même fait la malle habile. Et moi je me faisais de la bile pour mon flageolet. Cunégonde, mon étui pénien, reviens. Je poétisais comme un obsédé de la couette. Alors que dehors une nuit qui s’annonçait sans fin dégringolait sur un jour presque défunt. Je poétisais encore, un œil vitreux sur la tire. Et le cœur plié par le doute. Elle était là, juste en bas, dans la caisse à savon de mon vieux pote Little Screw. Ma nouvelle source d’emmerdes. Je me gratouillais le lobe temporal droit avec pince sans rire monseigneur. C’était avec cet outil pas commun que j’allais démonter ma moitié pas commune mais trop impudente qui s’était tirée il y a une plombe. Et pis pourquoi je continue à la peler avec ce prénom ridicule et un tantinet suranné ? Cet alias improbable pour aller à la pèche au mâle sur l’insondable et infinie toile électronique. C’est avec ce blaze infamant – eu égard à sa grande beauté chevaline – qu’elle a mis le grappin sur le pauvre hère qui vous sert cette histoire hirsute. Mais je m’égare. Little Screw m’intima à nouveau de ramener mes fesses jusqu’à lui.
Que faisaient Lucia et Angus à cet instant tanné par l’incrédulité. Avaient-ils leur place dans ce récit en pièces ? Peut-être étaient-ils en train de gober des petits ovoïdes à la coque. Le mobile grésilla à nouveau. Et Manu, tu descends, hurla Little Screw. Mon blase c’est Loulou, Ducon, précisai-je un peu à cran. Manu c’est ma griffe de blogeur infâme sur Vingt Chiche, crus-je bon de préciser. Magne-toi, la petite, elle a la peau qui craquelle, reprit de justesse mon acolyte vendu.
Je pris une écharpe et enfila un jean sur mon calcif Gérard Klein. En passant devant la baie vitrée je vis que mon regard de braise avait du plomb dans l’œil. Dédaigneusement je fis la moue et lissai ma raie. J’avais le cheveu lourd trop gonflé de gel. J’ouvris la porte à serrure trois points virgule. A ce moment-là, la mère Michelle qui avait encore perdu son chat pointa le bout de son nez aquilin. Zorra s’est encore barré, socialisai-je. Voui, mais là c’est de ma faute, sourit-elle dépitée. C’est à cause que je lui ai acheté quatre balles en mousse, rajouta-t-elle. Et je n’ai plus de nouvelles d’elle depuis j’ai enlevé la queue des fraises et que j’ai tranché fin du concombre, siffla-t-elle. Z’avez essayé d’agiter la boite à croquettes, demandai-je. Bah non, elle en mange pas, chuis contre, avoua-t-elle honteuse. Z’avez tord, elle chierait plus sec, surenchéris-je. Puis, je la laissai à son triste sort en lâchant un modeste sourire compatissant. Je descendis les deux étages qui me séparaient d’une rencontre du troisième type. Alors que j’actionnai le loquet de la porte cochère, deux coups de feu crépitèrent… [à suivre]

Plus un secret a de gardiens, mieux il s’échappe. [Jacques Deval]

Je jetai fugacement un œil torve à la meurtrière. J’entraperçus alors une ombre opaline, le reflet platiné d’un cheveu blond. Un énième borborygme de Little Screw me sortit de mes rêveries poétiques. Loulou, faut que tu saches, le Rondeau il fait pas dans le Veneziano… J’entravai que dalle. Qui c’est le Rondeau , m’enquis-je interrogativement. Un costaud de l’Armée des z’ombres par qui le scandale s’est amplifié, précisa l’obèse parfumé au patchouli. Mais qu’ai-je avoir avec tout ce ramdam, m’enquis-je à nouveau. J’ai raccroché mon blouson d’agent orange depuis l’affaire des ougandais de Vincennes. Ça fait dix berges que je fais des piges pour la téloche en tant que consultant pour la série polissonne du dimanche soir. Alors les bisbilles des Hautes Sphères, il y a belle lurette que j’y trempe plus mes fesses. Justement, le Nain Teigneux il est persuadé que tu cachetonnes en loucedé pour le Service et que tu as des billes sur l’animal qui a manigancé cette chienlit. La Vile Pinte est furibarde. Le Rondeau il est là comme écran de fumée. Mais la fantaisie militaire c’est bon pour attiser les ardeurs de la Gauche mais après ce sera le grand déballage et on sera qui de l’œuf ou de la poule… Voilà que le gros se faisait opaque. Je sentis qu’il avait soif. Moi aussi. Il faisait moite. Je louchai vers la voiture. La fille se tortillait dans tous les sens. Little Screw me fit signe de descendre… (à suivre)