Cher Journal,
Sais-tu que tu ressembles de plus en plus à un désert ? Tes dernières pages, pourtant si légères, semblent si difficiles à tourner. On te visitera à la curée, quand les poules auront des dents ou à la Saint-Glinglin. Le printemps glacé te ronge les sangs. Rappelle-toi qu’il fut le même il y a un an et encore celui-là l’année d’avant. Le peu de son bleu ne peut enjoliver le plein de déliés que tu peines à livrer. On écrit d’abord pour soi, pourrait-on rétorquer à nos attentes. J’ai d’ailleurs nié cela pendant longtemps, mais vu que j’insiste lourdement, c’est qu’il doit y avoir du vrai dans cette objection. On ne tire rien d’une infime écriture. Bref, comme je te disais, ce printemps est infirme, tellement rachitique qu’il peine à pousser les quelques effluves africaines qui encensaient parfois ton quotidien. Plus rien n’y fleurit, pas même de quoi assembler un bouquet d’orgueil.
Je te laisse à ta saison déplaisir. C’est qu’il faut que j’aille me sustenter de grimaces et d’absences.
Ton dévoué.