A cinq minutes en voiture

Il y a peu à dire d’une semaine que j’ai vécue sans sortir de mon appartement.  Une semaine sans même descendre à la boite aux lettres. Sans même évacuer une poubelle, sans même aller au container qui recueille le verre. Il a fallu que le frigo soit vide pour que je m’évade de mes cinquante mètres carrés de tanière. Et encore, j’aurais pu patienter quarante huit heures de plus. Mais je fais mes courses le samedi, comme ça elles n’empiètent pas sur les jours voués au labeur et, Loi Macron ou pas, je ne les ferai jamais le dimanche.

La supérette est à cinq minutes en voiture. Le ticket de mes courses de la semaine dernière a été édité à treize heures vingt-et-une. Visiblement le ticket numérique fourni par l’application affiche deux minutes et vingt-trois secondes de plus que le ticket physique.

J’ai donc tous mes tickets de supérettes depuis que j’ai installé l’application fin janvier deux mille quatorze. Je sais exactement ce que j’ai acheté dans ce magasin, mais je n’avais pas besoin de cette application pour le savoir, puisque j’achète toujours la même chose.

Depuis une année je constate que je n’ai jamais manqué mes courses, que je me suis rendu chaque semaine et donc chaque samedi à la supérette qui se trouve à cinq minutes en voiture de chez moi. Chaque samedi ou presque. Il y eut une exception, un vendredi, car le samedi qui suivait j’étais mobilisé professionnellement bien loin de cette supérette que d’habitude je rallie en cinq minutes en voiture.

Un jour on me volera le téléphone qui accueille cette application qui archive dans le détail ce que je manque et ce que je bois. J’ai pour habitude d’envisager la guigne. Le voleur pourra alors comptabiliser le nombre de compotes de pommes que j’ai avalées en une année. Il faudra bien sûr qu’il soit curieux et que je lui laisse un peu de temps avant de faire désactiver la carte SIM de l’appareil.

Sinon j’aime le mot sicaire, les photos de Leonard Nimoy – cet acteur mort cette semaine et qu’on a enquiquiné toute sa vie avec son personnage de Vulcain aux oreilles taillées en pointe – et cette chanson de Dave que je ne connaissais pas avant hier, avant ce samedi des courses que je fais à la supérette qui se trouve à cinq minutes en voiture de mon domicile.