j’ai rasé ma barbe. En prenant bien soin de ne pas laisser dépasser les poils au-dessus de ma lèvre supérieure. Je voulais l’embrasser sans endolorir les contours de sa bouche. Par contre j’ai épargné mon crâne. J’ai une tête inhabituelle du coup. J’ai levé un peu le store de la chambre. Puis j’ai changé les draps, ajouté un oreiller, rangé ce qui pouvait trainer. J’ai cleané sommairement la cuisine, c’est l’endroit où je travaille et vis depuis des mois maintenant. Parfois je me dis que je me suis construit ma propre prison. Il faisait encore jour quand j’ai fait cela. Une de ces journées d’automne sans lumière. J’ai su dans l’après-midi qu’elle ne viendrait pas. Malgré tout, cette nuit encore, je me penche vers la gauche. Je vais même jusqu’au travers des lamelles du store suivre le défilé des phares dans la boucle.
Assis sur les chiottes pour pisser, je regardais le bas de l’encadrement de la porte. Il est encore noir des caresses laissées par le serval. Il avait pour habitude de me rejoindre et de se faufiler entre les fils gainés du Tancarville. Je ne sais pas où il est maintenant. J’espère qu’il a pu accomplir son Bardo.
Toutes ces absences.