Chaque nuit au moment d’éteindre la lumière, je constate le même gâchis. Et pourtant chaque matin tardif je remets ça. Une vie qui fait peine à voir de l’intérieur, mais que l’on distingue mal de l’extérieur. Je ne mesure pas le temps que me prennent mes rituels. Mine de rien ils rythment mes journées, mes semaines. Chaque samedi soir je mange la même pizza, la marque, la composition changera au bout de six mois un an deux ans. Chaque dimanche soir je dîne du même menu (pas une pizza), en variant un ingrédient de temps à autre, devant le même journal télévisé. Chaque lundi midi et chaque lundi soir sont aussi ritualisés. Des rituels domestiques qui s’estompent, voire disparaissent quand je suis hors de chez moi. Il me faut désormais quinze, vingt minutes avant de me coucher. Mon circuit au supermarché est toujours le même. Il peut m’arriver de le reprendre si j’ai été contraint de le modifier en cours de route (un chariot qui bloque l’allée, l’oubli d’un produit). Évidemment je vérifie avant de partir de chez moi. Notamment tout ce qui se ferme. Et je compte aussi. J’ai enfilé toute la panoplie du parfait toqué. Un costume qui s’épaissit avec le temps. Le temps d’une vie à l’abandon, rongé par la solitude.