mwese mwa bwam**

Enfin ! Ce dimanche se meurt. Au cœur de l’après-midi on peut déjà faire ce constat. Il est même déjà mort. Froid et raide. Traite journée sans soleil. A quoi ça sert de briller le samedi quand tant de gens sont encore aux affaires ? A quoi ça sert de nous faire croire au printemps ? C’est peut-être la saison des pluies. J’irai alors cueillir une papaye au fond du jardin. Je casserai en deux un avocat que l’on mangera à la petite cuiller. En regardant passer dans le ciel les couples de Gris du Gabon. Sœur, tu étais la seule à savoir grimper à l’arbre au tronc incurvé à la façon de Mowgli. Les dimanches derrière la haie de bambous avaient une autre gueule que celui que nous vivons aujourd’hui. Je dis nous. Alors que de nous il ne reste plus grand-chose. Nous courrions pieds nus sur les graviers. Nous ne connaissions pas notre bonheur. Les longues heures au fond de la piscine. Les longs échanges de fond de court jusqu’à l’heure où les éphémères venaient mourir sous la langue des crapauds affamés. T’en souviens-tu, frère ? Oui, je sais. L’avocat était coupé en dés et mêlé à de la salade verte. Oui je sais, le papayer ne donnait pas beaucoup et puis je n’aimais pas ça. Les fruits je les préfère cuits et posés sur une pâte feuilletée. Mais les dimanches avaient quand même une autre gueule. On ne souhaitait pas s’en séparer aussi vite. Parfois on entendait monter la clameur. Quand les Lions s’étaient montrés à nouveau indomptables. Cela arrivait souvent. On puisait le coca des les casiers à bouteilles. On le buvait au goulot. Puis venait la pluie. Pas comme celle d’aujourd’hui qui t’ankylose les membres. Une pluie intense qui donnait des mangues. Une pluie épaisse et tiède. Et des fruits charnues. Puis, du quartier montait parfois les voix de Dina Bell, de Toto Guillaume ou d’Ekanbi Brillant.

**bon après-midi en langue Duala (Douala)

Note à la mangue

Vendredi j’ai regardé cette photo. Et puis d’autres. Et puis a rejailli un temps jadis. Alors, à fleur de peau, j’envasai deux ou trois brins de mélancolie. Ce n’est pas mon habitude ça. De faire rouler la boule au ventre. De me retourner pris à la gorge. L’image n’a pas bougé. Ou à peine. C’est peut-être à cause de ça que cela cogne aux tempes. A part au milieu de la cour. La verdure et les tables de ping-pong en béton. Tout est à l’identique. Voyez le ciel bas. Cette absence d’irisation. Marque subtile du passage de l’harmattan ? Peut-être. Je me suis extirpé de mon desk. Tout d’un coup. Aidé par ma mémoire filandreuse.

Du passé décomposé. Du passé en miettes. Je n’ai cure. Je meurs finalement par petits bouts. Comme tous les Autres. De toute façon. De la vie là-bas, je n’ai rien gardé. Pas de jeux. Pas d’amour. Pas d’identité. A peine l’écho d’une adolescence sourde. Une vie évidée. Ma vie peureuse. Tout compte fait.

Un monde. Malgré moi. Qui refait surface. En pleine saison des pluies là-bas. Alors qu’ici c’est la rentrée solaire.

lycée dominique savio douala cameroun

Photo : Lycée Dominique Savio, Douala, Cameroun