Je me penche vers la gauche

J’ai froid. J’ai pleuré de rage. La nuit venait de tomber. C’était hier. Aujourd’hui j’ai eu tout aussi froid. Il a plu, puis neigé. Je suis au même endroit. Je vis dans 10m², j’en loue 50. Parfois je penche vers la gauche quand le jour s’affaisse et je regarde les voitures empruntant la boucle. De ma table je vois dehors, à condition bien sûr de me pencher vers la gauche. Cette paire de phares pourrait être la sienne. Ce n’est pas sa voiture à l’instant, la sienne ne cligne jamais de l’œil. Je me penche vers la gauche, mais c’est un réflexe idiot. Non pas idiot, juste inutile. Elle ne vient pas. Elle ne viendra plus. Je l’attends mais elle ne viendra plus. C’est comme ça. C’est invivable, mais c’est comme ça. Demain ce sera pareil, je me pencherai vers la gauche et je suivrai quelques paires de phares empruntant la boucle. Parce que je vis aux abords d’une boucle où passent des dizaines de paires de phares que j’observe de ma cuisine quand les merles se confondent avec la nuit.

sentir le sapin

Je pourrais mettre un sapin dans le living cette année. Accrocher une ou deux guirlandes, non je déteste ça les guirlandes, même les lumineuses que l’on colle partout maintenant, sur les balcons les façades des pavillons, c’est comme ces faux pères noël qui restent accrochés pendant un mois aux fenêtres des mêmes pavillons, eux non plus je ne les aime pas. Noël n’est plus rien pour moi. Sentir le sapin, voilà ce qui  peut me retenir dans un endroit préparé pour cette fête. J’avais envisagé de passer le réveillon au cinéma, toute la journée même, mais je n’ai pas encore acheté de carte. J’envisage toujours beaucoup. Comme une vie meilleure, normale, mais meilleure.

Ce dimanche avait des allures de lundi. J’ai passé un bon moment au téléphone avec mon partenaire de projets. J’ai également observé les merles. A la nuit tombée, j’ai laissé le ravet me grignoter.

La vie, franchement, ce n’est pas comme avaler un verre de petit lait, c’est se noyer dans un seau de larmes.