une aura sur deux paires de coussinets

Bien sûr que non je n’irai pas au roman, il me faudra revenir dans une autre vie, je commence comme ça, cela fait plusieurs soirs que j’essaie de produire, je dis produire parce que j’aurais l’air de rouler des mécaniques en disant écrire, je suis venu avec un bout de dialogue, un échange entre mon altier ego et feu ma bête, mais cela s’est mal terminé, où diable es-tu que je lui demandais, tu ne peux pas continuer à regarder passer ta vie qu’elle me rétorquait, tu sais je m’emmerde à briller comme une étoile dans ce vaste ciel, je te croyais immortel moi, une voix comme la tienne ne pouvait pas s’éteindre, il faut que tu te reprennes et que tu te trouves une façon d’exister, est-ce que c’est silencieux là-haut, hey lève un peu la tête bombe le torse fais durer, parce qu’on s’emmerde à briller comme une étoile dans ce ciel trop vaste, aujourd’hui j’ai gouté à la banane plantain tu sais, mais cela ne m’a pas fait voyager longtemps, il y avait du monde pour saluer le long travail d’un homme, je me souviens de la grosse voix de cet homme et de ses chaussures dans lesquelles j’aimais me frotter, mais tu vois vraiment tout de ton vaste ciel, tout jusqu’à tes yeux noyés, pardon je ne voulais pas, je dois filer j’ai la visite d’une naine blanche, je croyais que tu te faisais chier dans ton vaste ci… Il fait toujours ça, partir comme il vient, avec la vélocité d’un fluide, comme une aura sur deux paires de coussinets.

You start a song and when you sing the sound is gone*

Jour de peu. Je cherche l’inspiration. Dans l’odeur de pluie qui remonte du sol. Dans les mots d’ailleurs. Je voudrais peu. Juste une ligne. Un truc potable qui décoiffe comme un voyage en décapotable. Comme une bise soulevant une jupe fendue. Comme un souffle humide replaçant une mèche rebelle. J’aime cette pluie fine qui me dégourdie la mémoire. Elle me ramène à l’Afrique, aux mangues que pourtant je n’aime pas manger, à l’insouciance sérieuse. Une pluie qui envahit le larynx, avant d’inonder toute la gorge. C’est ça un sanglot long. C’est ça, on se souvient des jours anciens et on chiale. Mais c’est bien puisqu’on pissera moins. Un mal pour un bien, hein ! N’empêche que dix lignes plus loin, l’inspiration n’est toujours pas là. Elle n’est même pas planquée dans le bouquet de poils que vient de m’offrir Mister T. J’aime quand la tête du serval me fendille le menton. Il en reste une fossette.

Sans C., c’est insensé, je n’aurais peut-être jamais entendu 2AM*, morceau génial de Thee More Shallow. Quelqu’un a posé ce titre sur des images de L’enfance d’Ivan de d’Andreï Tarkowski…

Wake in the morning feelin’ low

Une rue avec des chats, une critique de cinéma qui cherche à entrer dans une boutique de décoration, des papiers volants et un type qui semble être moi. C’est la composition approximative de la dernière image de mon dernier rêve. Entre six heures et neuf heures du matin. Mais ce n’est pas comme dans les films américains quand le dernier plan du film est réalisé avec une une caméra au bout d’une grue. Quand l’appareil s’élève, le spectateur sait qu’il est arrivé au bout. Qu’il va pouvoir se lever et passer à autre chose. Je ne me suis pas levé tout de suite. J’ai essayé de reconstituer le puzzle de mon cinéma mental. A la fin de la remise des prix, il n’y avait plus que moi et une dizaine de lauréats. Je montais sur l’estrade sous les applaudissements. On attendait que mon apparition soit ponctuée d’un exercice de style : un bon mot, un tour de magie avec un jeu de cartes. Des autobus aussi. Il y avait des autobus. Dans la rue. Pas sur l’estrade. Dans ce rêve j’étais à deux doigts de tout. A deux doigts d’aller parler à cette critique de cinéma. Dans la vie hors rêve cette femme a respiré à quelques mètres de moi. Je ne l’ai pas approchée non plus. Je travaillais. Elle venait faire son travail. Je ne suis pas comme ça. A déclarer j’aime beaucoup ce que vous faites. Viendrait-elle me dire j’aime beaucoup ce que vous regardez ? Elle parle du cinéma à la télé. Je regarde la télé. Le puzzle. L’étudiant le mieux placé avait reçu des cadeaux. Des gros paquets trop grands pour ses bras. Il en a échappé un. Il y avait cette fille. Je lui ai dit qu’elle était belle. Il y avait du monde autour. C’était du cinéma de sommeil. La preuve. Dans un beau sourire, elle m’a dit aussi que j’étais beau. Puis la rue s’est vidée. Allongé sur le dos j’ai repris ces pièces légères pour les assembler. Je me suis demandé aussi pourquoi j’avais croisé ce garçon infatué. Pourquoi les autres, plus aimables, n’étaient pas présents. J’ai laissé tombé le puzzle. Filé sa ration de pâtée au félidé. Et pris mon pouls.

[bande sonore : She died in june de Tang]